Réforme des retraites, un détournement démocratique de plus

La Première Ministre a présenté sa réforme des retraites, annonçant respecter un engagement de la campagne 2022 d’Emmanuel Macron. Mais le peuple français l’a-t-il élu pour ça ? Rien n’est moins sûr. Retour sur la communication politique autour de cette réforme…

 

 

Alors que le pays sort péniblement de la crise mondiale du Covid pour entrer dans une crise économique liée à l’emballement de l’inflation, amplifiée par l’invasion de l’Ukraine qui y ajoute une crise énergétique, le Gouvernement français ouvre, avec la réforme des retraites, un dossier sensible.

 

 

Une communication politique très floue

Engagement du programme présidentiel d’Emmanuel Macron lors sa campagne de 2022, cette nouvelle réforme, différente de la tentative déjà mal gérée lors de son premier quinquennat, a de quoi susciter un regain de tension dans le pays. Et la communication pour convaincre a de quoi laisser perplexe…

 

Depuis mai 2022 et la réélection d’Emmanuel Macron, que n’avons-nous pas entendu pour justifier le bienfondé de cette réforme.

Les mesures pour dégager de la marge financière ont été tantôt pour affecter ce pécule au désendettement général de l’Etat, tantôt pour contribuer à la 5ème branche de la Sécurité Sociale (l’autonomie), tantôt pour équilibrer le régime des retraites lui-même, alors que les interprétations de la situation présentée par le rapport du COR (Conseil d’Orientation des Retraites) sont très divergentes selon qui s’en empare.

 

Bref…

Il y a une règle fondamentale en communication politique : la communication autour d’une réforme d’ampleur se prépare en amont, qui plus est lorsque la précédente tentative s’est soldée par un échec et que le risque de crispation est grand.

Une fois l’angle argumentaire consolidé, la stratégie de communication doit être élaborée puis mise en œuvre.

 

Par arrogance ou excès de confiance, l’exercice ne semble pas avoir été mené sérieusement.

Ceci explique sûrement tous les changements de carre auxquels nous avons assisté, fragilisant d’autant plus une démarche qui n’en a pas besoin.

 

Tout cela est très brouillon et, comme le disait la grand-mère de Martine Aubry, « quand c’est flou… »

 

 

Des arguments qui ont beaucoup de mal à convaincre

Parmi les arguments, la mesure phare de la réforme, le recul de l’âge légal de la retraite à 65 ans, permettrait d’améliorer le taux d’emploi des seniors.

 

Les enquêtes confirment les unes après les autres que cela ne convainc pas, et même pas du tout.

Le sondage ELABE pour « Les Echos » des 29 et 30 novembre en est la preuve : 75% des personnes interrogées ne sont pas convaincues (38% pas du tout convaincues) contre 25% plutôt favorables (7% complètement convaincues).

Il va falloir faire preuve de beaucoup plus de pédagogie pour convaincre, selon le président d’ELABE lui-même.

En savoir plus sur le sondage ELABE

 

Au vu de l’attitude du Gouvernement depuis quelques jours, il semble plutôt que, après des discussions expédiées avec les partenaires sociaux, le passage en force soit la voie qui a été choisie, au risque de mettre une pierre de plus dans le jardin de notre démocratie.

 

 

La démocratie encore mise à mal

L’agenda pour arriver au vote de la réforme est particulièrement court, sans réelle concertation des partenaires sociaux, particulièrement opposés.

Même la CFDT, plutôt considérée comme un syndicat réformateur et constructif, est vent debout contre le projet, faisant des « 65 ans » un totem inacceptable.

 

Mais comme si les errances argumentaires ne suffisaient pas, les défenseurs « renaissants » arguent que le peuple français, en votant pour Emmanuel Macron en mai 2022, aurait validé son programme et ses engagements, dont la réforme des retraites.

 

Ils ont manifestement « oublié » que leur candidat était au second tour opposé à Marine Le Pen et que, même si cela avait bien été un point de divergence entre les deux, le vote ne s’était pas déterminé sur la question des retraites, loin de là.

Et le résultat loin d’être glorieux amenant à la réélection d’Emmanuel Macron a été confirmé par la fragmentation de l’Assemblée Nationale en plusieurs blocs difficilement conciliables, comme l’est la société française.

 

Que l’on soit favorable ou opposé, le détournement démocratique – dont personne n’est dupe, pas même ses défenseurs – pour justifier la réforme ne rend pas service à l’intention de réformer. Il risque même de mettre encore plus à mal le front républicain, et donc la démocratie française elle-même.

 

Une colère de plus pour rendre séduisant le Rassemblement National ou pour déserter les urnes, ce qui revient finalement au même.

Maintenir la République, c’est aussi maintenir le lien social. Il semble que le pouvoir en place soit à la fois sourd et aveugle en dépit de tous les signaux d’alerte, il portera la responsabilité de la descente aux enfers qui nous attend…

 

 

 

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