Qatar, il ne faudrait pas politiser le sport ?

A quelques jours du début de la Coupe du Monde de football au Qatar, Emmanuel MACRON invite à « ne pas politiser le sport ». Décryptage d’une position étonnante pour ne pas dire hypocrite, au regard de la réalité…

 

 

Le contexte

La compétition sportive organisée par le Qatar dans le cadre des règles fixées par la FIFA va commencer ce dimanche 20 novembre, dans un contexte quelque peu chahuté.

Reviennent in extremis sur le devant de la scène la question des droits humains : place des femmes dans la société qatarienne, droits LGBT+… à quoi s’ajoutent les conditions inhumaines sur les chantiers de construction des infrastructures sportives qui ont causé le décès – « excusez du peu » – d’au moins 6 500 personnes.

Et comme si cela ne suffisait pas, le non-sens écologique et environnemental : climatisation des stades et, le Qatar n’ayant pas la capacité de tous les accueillir sur son territoire, navettes en avion pour permettre à tous les supporters sur place d’assister aux matches – une rotation sur l’aéroport de Doha toutes les 10 minutes.

Alors comment rester insensible à tous ces faits qui ont de quoi faire plus que nous interroger ?

 

 

Le sport est incontestablement « politique » de fait

Interrogé en marge du sommet Asie-Pacifique sur les troubles, certes médiatiquement tardifs, Emmanuel MACRON répond donc en invitant à « ne pas politiser le sport ».

Réponse surprenante dès lors que l’on a un peu de mémoire concernant le Président de la République.

N’est-ce pas lui qui a communiqué sur ses appels à M’BAPPE, joueur du PSG, pour l’implorer de ne pas quitter le PSG (et pas qu’une fois) ?

N’est-ce pas lui qui, dans les vestiaires de l’équipe de rugby, a affirmé que les joueurs représentaient plus que leur équipe ?

Soyons justes, ses prédécesseurs ne sont pas en reste…

Jacques CHIRAC (qui n’avait aucune appétence pour le football) ne connaissait pas les noms des joueurs était pourtant, lui aussi, très présent lors de la Coupe du Monde de football de 1998.

Nicolas SARKOZY a été au centre du jeu à l’attribution de la compétition pour le Qatar, avec l’entretien à l’Elysée avec M. PLATINI au cours duquel il n’est pas contesté qu’il a indiqué que la France serait heureuse que cette coupe soit attribuée au Qatar alors que les Etats-Unis étaient favoris. Et le Qatar achetait le PSG quelques semaines après…

 

Donc soyons honnêtes intellectuellement : dès lors que des intérêts économiques, il est indéniable que tous les secteurs à même de contribuer à des décisions à impacts majeurs, le sport y compris, sont un « terrain de jeu » pour renforcer les influences des uns et des autres.

 

Les enjeux géostratégiques sont évidemment énormes pour le Qatar afin de survivre en étau entre ses deux grands voisins, l’Arabie Saoudite et l’Iran.

Et il ne s’y est pas trompé : petit état par la taille mais avec des moyens financiers quasiment sans limites pour l’heure, il a misé sur le sport roi mondialement pour « exister » et renforcer son influence.

C’est avec la complaisance de la FIFA que cet état s’est vu attribuer l’organisation de ce Mondial, sans aucune considération pour les droits humains ni l’environnement (de même que pour la Russie en 2018).

Les enjeux financiers ont évidemment pris le dessus sur tout : 220 milliards de dollars de dépenses (20 fois plus que la précédente).

 

Tous les pays qui le peuvent se battent pour organiser et participer à ces compétitions majeures, parce que c’est pour eux une opportunité majeure de communiquer et de promouvoir leurs « valeurs », si contestables soient-elles, et de développer leurs soft powers.

 

Dire que le sport ne devrait pas être politisé est donc nier la réalité et nous prendre pour des naïfs, pour ne pas le dire autrement.

 

Preuve ultime : à la suite de l’invasion de l’Ukraine, la Russie a été exclue de nombreuses compétitions internationales, sans lien avec le niveau de leurs athlètes.

 

 

Une indignation à géométrie variable

Les états tout comme les personnalités politiques passent ainsi leur temps à exploiter le sport dans leur propre communication.

Si les athlètes eux-mêmes utilisent leurs notoriétés pour vendre des parfums, des voitures… ils s’en servent également pour soutenir des causes et lutter contre des discriminations dans l’univers sportif comme dans la société.

 

Depuis le début de l’ère moderne olympique, le sport a été un terrain d’expression d’opinions.

Rappelons-nous le point levé de Jesse Owens devant Hitler en 1936, rappelons-nous la création de la WTA pour défendre les intérêts des joueuses de tennis, rappelons-nous le genou à terre des nombreux athlètes pour lutter contre le racisme…

 

Au vu de l’embarras vis-à-vis de l’orientation des débats sur l’homosexualité, il semblerait que l’orientation sexuelle n’a pas le même soutien de nos institutions, qui plus est avec un pays qui condamne l’homosexualité sur son sol.

Là encore, souvenons-nous de notre cher Président de Fédération Française de Football, Noël LE GRAET, qui, il y a quelques mois déjà, hiérarchisait racisme et homophobie dans une intervention médiatique calamiteuse.

 

Après une coupe du monde 2018 en Russie qui a instauré des lois discriminantes envers la population LGBT+ et les femmes (dépénalisation de la violence conjugale), il est donc demandé, en particulier aux personnes homosexuelles, de « faire profil bas » et de ne pas montrer de gestes d’affection au Qatar.

La CNIL conseille même aux supporters de se rendre sur place avec un téléphone neuf ou entièrement réinitialisé, c’est dire le niveau de confiance…

 

 

Devant la frilosité de nos représentants français, politiques et footballeurs, il est heureux que d’autres choisissent de s’engager.

Certes, les joueurs ne sont pas responsables de la situation mais ils peuvent participer au débat en tant que citoyens et utiliser leurs notoriétés comme ils savent l’utiliser pour vendre des voitures, des sites de paris en ligne, des parfums et tant d’autres choses…

 

Pour l’exemple, l’équipe des Etats-Unis a modifié son logo pour y faire apparaitre à la fois les couleurs du drapeaux LGBT+ et de la lutte contre le racisme. L’équipe des Pays-Bas devrait également s’engager visiblement sur place.

 

 

Là où Emmanuel MACRON a raison, c’est qu’il faudrait plutôt s’interroger au moment où l’organisation de ses événements est attribuée.

Prenons donc un peu d’avance : que dire donc de la décision d’organiser les jeux asiatiques d’hiver 2029 en Arabie Saoudite ?

Que ce soit pour les droits humains et l’environnement, nous revenons aux mêmes incohérences…

 

Monsieur le Président, une réponse ?

 

 

 

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